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15 avril 2020 3 15 /04 /avril /2020 09:39

 

 

Vous l’avez désormais compris, alors que les états recouvrent toutes les parties émergées du globe, l’avènement récent de l’Etat dans l’histoire de l’Humanité ne réussit pas en toute circonstance à tenir son unique promesse, celle de protéger ses citoyens.  Plus que la mondialisation, la globalisation, la croissante célérité des échanges internationaux qui repoussent toujours nos propres responsabilités face aux crises, c’est bien le caractère régulateur de l’Etat qui est à questionner dès à présent et, à travers celui-ci, notre définition du bien commun et de nos intérêts individuels.

Devenus conscients qu’ils n’étaient pas en mesure de protéger leurs citoyens face à une menace inconnue, les dirigeants de ce monde ont consulté la science, le droit et l’histoire comme les Grecs ont consulté les oracles. Face à la pressante impatience collective, la réponse de ces conseillers n’a pas tardé. Et cela révèle par un effet de transparence fascinante ce qui constitue la somme des volontés individuelles constituées, le sens de notre monde dirigé par l’Homme.

 

Nous sommes submergés d’injonctions guerrières et de consignes sanitaires par ceux d’entre nous qui s’improvisent sachants dans le domaine de l’inconnu. Ils nous affirment : « Restez chez vous, sauvez des vies », mais il se pourrait qu’il n’en soit rien car aujourd’hui nul ne saurait s’il n’est pas plus vrai d’affirmer : « Rester chez vous et ils mourront plus tard ». Face à une menace inconnue, ceux qui vous disent qu’ils connaissent les remèdes sont dans le meilleur des cas des menteurs et dans le pire des escrocs. Ceux qui affirment que mettre sous cloche l’ensemble de l’économie relève de la nécessité sanitaire collective n’échapperont pas à ce classement dichotomique, et pourtant.

 

Bien qu’il soit probablement interdit demain de le dire et de le penser, l’unanimité apparente de la réponse mondiale face à la crise ne répond pas à la nécessité sanitaire collective. L’obligation de santé collective doit nous pousser à protéger durablement le plus grand nombre en garantissant l’accès aux produits de première nécessité, en leur garantissant un accès aux soins, en garantissant le respect de leur dignité. Cela ne passe pas par la plongée dans le coma de nos Etats et par un réveil perfusé à la dette. Comme nous ne sommes pas capables de prévenir les conséquences de cette crise sanitaire, comme nous ne sommes pas certains de pouvoir soigner, de pouvoir guérir et de pouvoir éloigner la mort, alors pour venir en aide à ceux qui seront les plus touchés, nous devons continuer à faire ce que nous savons faire, nous devons préserver nos infrastructures et maintenir nos activités, essentielles à la vie et à la dignité de nos concitoyens, nous devons nous responsabiliser pour mettre sans délai à l’abri les personnes les plus fragiles avant de tirer les enseignements de cette crise pour être mieux préparés ensuite.

 

Si certains jugeront inadmissible de tenir de pareils propos aujourd’hui, ils devront s’interroger le cas échéant sur le mandat que nous leur avons donné ou sur la légitimité qu’ils ont pour condamner au silence une partie de leurs concitoyens. Et si d’ici là ils ne nous condamnent pas au-delà du ridicule et de l’indécence qu’ils nous prêteront, nous aurons l’occasion dans quelques années d’en débattre lorsque nous aurons compté les victimes de famines causées par nos angoisses et notre cupidité, les victimes des maladies pour lesquelles nous disposons des remèdes mais que nous n’aurons pas soignées, les victimes de la dette que nous avons imposé à certains pour garantir la dignité du logis.

 

Et tant que nous avons le droit de le dire, bien que pleinement conscient de la peine et des souffrances causées par la perte d’un parent ou d’un proche, nul ne peut affirmer que le sacrifice imposé par ceux qui s’estiment sachants relève de la nécessité sanitaire collective. Cela relève d’une multitude de choix que nous avons chacun expérimentés, cela relève essentiellement d’un choix que nous avons fait chacun individuellement par le passé, à maintes occasions et à diverses échelles. C’est le choix de laisser libre la capacité des individus à s’enrichir sans limite pour conserver en chacun de nous l’espoir d’une vie d’opulence. C’est le choix de placer son salut matériel dans des contrats de protection individuelle, dans des biens que nous possédons chacun et que nous assurons. C’est le choix de déléguer totalement le suivi de notre santé à des professionnels en abandonnant notre droit à être concertés sur les orientations sanitaires générales. Mais c’est aussi et surtout le choix de sacrifier la peine des autres pour préserver la sienne. Ce ne sont pas des multitudes de choix, c’est un choix, le nôtre et celui qui a été respecté par nos dirigeants, c’est le choix de nous protéger chacun contre le choix de nous protéger tous.

 

Et vous l’avez désormais compris, c’est parce que c’est notre choix qu’il sera inutile de pourchasser les coupables sauf à nous pourchasser nous-même ; car c’est bien la protection de nos propriétés, la protection de l’équilibre de nos contrats d’assurance, la protection de la responsabilité juridique et pénale de nos dirigeants, de nos soignants et enfin la protection de nos proches qui nous plongent dans la torpeur et la tétanie, qui nous conduiront à l’asphyxie et qui priveront demain les plus fragiles d’entre nous d’accès à la nourriture, au logement, à la santé, qui les priveront d’une vie digne.

Nous connaissons en revanche les conséquences des choix opérés dans les domaines de l’économie, de l’agriculture, et depuis peu dans le domaine de la santé. Et face à un risque connu, comme celui d’un effondrement systémique de l’économie, nous réapprivoisons nos anciennes chimères, celle de la procrastination spéculative, du pari de la croissance, celle de la dette contractée par certains et pour certains mais à la charge de tous.

Demanderons-nous demain à l’agriculteur de travailler plus, de gagner moins et de faire le deuil du peu d’acquis sociaux qu’il avait pour compenser le manque à gagner des compagnies aériennes, des discothèques et des restaurants que nous aurons réduits à l’arrêt ? Demanderons-nous à ceux qui ont perdu un père, une mère ou un enfant de repartir au travail de plus belle pour compenser les pertes de ceux qu’on a privé de leur travail dans l’espoir incertain de sauver leur parent, qui malgré tout est mort ? Jusqu’où irons-nous dans la poursuite de nos choix ?

 

Car vous l’avez désormais compris le monde de demain dépendra bien d’un choix que nous allons faire et pour lequel nos dirigeants n’ont pas de mandat. C’est le choix de nous protéger humblement de ce dont nous sommes capables de nous protéger.  Le choix de ne pas s’autoriser à réinventer l’avenir de l’un au détriment de l’avenir de l’autre. Le choix du maintien des garanties pour ceux qui se seront exposés à un mal dont personne ne sait où il se loge. Le choix de la continuité des contrats qui nous lient. Le choix de ne pas nous lancer dans des procès pour faute face à une menace dont les ressorts nous sont inconnus. Le choix de nous faire confiance pour respecter des règles simples d’hygiène. Et demain pour ceux qui auront continué à vivre et à produire pour protéger les plus fragiles d’entre nous, sans mentir, sans en tirer un profit particulier, et toujours face à un mal que personne ne maîtrise, le choix de l’amnistie, le choix d’accepter que nous ne maîtrisions pas tout et que ceux qui nous gouvernent sont à notre image.

 

Et pour ce dont nous ne savons pas nous protéger, libre à chacun de choisir ses armes tant qu’elles ne portent pas préjudice aux autres.

 

 

Renaud Riboulet

Le 15 avril 2020

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1 décembre 2009 2 01 /12 /décembre /2009 17:54

      L'anthropocène est un terme créé et utilisé par les scientifiques pour décrire une nouvelle ère géologique où l'action de l'espèce humaine est devenue une force géophysique agissant sur la planète. Prenant naissance avec l'essor industriel du début du XIX° siècle, ce moment de l'histoire de la Terre se caractérise par la prédominance des facteurs anthropiques sur les facteurs climatiques.

   Au delà du jeu de mot, anthroposcènes désigne l'ensemble des espaces produits par nos sociétés, non seulement pour remplir les fonctions essentielles à la vie, mais également pour que celles-ci s'y voient évoluer. Le rapprochement avec le terme scientifique se fait autour d'une bascule entre facteurs dominants sur l'évolution d'un système. La prise en compte, dans la production de notre environnement, de la nécessité de mettre en scène des pratiques sociales semble s'étendre désormais à des espaces qui jusqu'alors n'étaient soumis qu'à des contraintes d'habitabilité, de production, de transports.

   La société paysagiste de Pierre Donadieu s'étend. La volonté de produire un environnement reflet d'une aspiration sociétale conquiert un territoire de plus en plus vaste. 

Anthroposcène décrit également une nécessaire responsabilisation dans la production de l'espace. A l'instar de l'anthropocène, c'est une opération de conscientisation, la prise en compte de la projection spatiale de volontés qui sont finalement assez mal comprises. C'est un théatre où évoluent des formes pensées par l'homme pour rendre compte de la manière dont il aspire à être vu.
 
Animer des anthroposcènes, voilà  une des ambitions du futur paysagiste que je deviens. 

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  • Renaud Riboulet
  • Paysagiste concepteur curieux de tous les mécanismes à l'oeuvre dans la transformation du monde par l'action de l'Homme et l'évolution de sa représentation comme produit social et culturel
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